Dernièrement, une mission « spéciale » à bien des égards m’a été confiée : photographier des vitrages Saint-Gobain un peu particuliers, installés sur le bâtiment d’une entreprise. Ce célèbre groupe spécialisé dans les matériaux de demain et la construction innovante souhaitait mettre en avant son vitrage intelligent, capable de se teinter manuellement ou automatiquement, en fonction de la luminosité. J’ai découvert ce bâtiment à la surface vitrée conséquente, et ai vite compris l’intérêt d’une telle installation pour le confort visuel et thermique de chacun, permettant de se passer de stores.
Retour d’expérience sur une journée « lumineuse ».
Des contraintes photographiques précises à respecter
Il m’a été donné de photographier deux pièces : le vaste hall d’entrée et une salle de réunion, au cours d’une journée. L’intérêt (et la première contrainte) étant de mettre en avant le vitrage et ses différentes teintes, cela s’annonçait comme un travail minutieux empreint de choix déterminants.
Les autres contraintes découlent de cet objectif premier. Déjà, réaliser ces photos par beau temps et lorsque le soleil viendrait « frapper au carreau », pour justement mettre en valeur le vitrage filtrant la luminosité extérieure. Ensuite, le contrat était de produire des photos réalistes, qui représentent fidèlement les teintes, sans dénaturer les lumières et les couleurs… Pour cela, technique et patience furent mes deux plus grands alliés.
En effet, pour chaque teinte du vitrage (il y en a quatre), il m’a fallu produire dix photographies et les combiner afin d’ajuster avec précision la lumière et de ne pas perdre de pixels en raison d’une exposition unique et de contrastes trop importants. Techniquement, en post traitement, il s’agit d’effectuer une fusion HDR de ces dix photos pour recréer une image avec une plage dynamique beaucoup plus large qu’une photo normale. Voici un exemple de cette opération en images, avec un avant-après très représentatif : les couleurs sont ravivées, les détails derrière les vitres récupérés, tout comme ceux du parquet. Je réalise systématiquement une retouche supplémentaire lorsque c’est nécessaire, comme ici avec la suppression de ce ruban au sol, installé spécialement dans le contexte du coronavirus.
Le vitrage mettant en moyenne quinze minutes pour atteindre une teinte parfaitement uniforme pour être photographié, j’ai donc beaucoup attendu pour réaliser toutes les prises de vue nécessaires… Et ce en gardant exactement la même position. J’ai utilisé pour cela une rotule spécifique à la photo d’architecture pour mon trépied.
Les trépieds sont habituellement équipés d’une rotule « boule » facile à manipuler mais trop imprécise pour les photos d’architecture :
Ma rotule est ici une rotule dite « 3D », qui permet de régler les axes séparément, avec beaucoup de précision, en se basant sur le niveau électronique inclus dans le boitier de l’appareil photo pour s’assurer que tout soit bien droit, puis de rester parfaitement immobile aussi longtemps que nécessaire :
De plus, ces prises de vue sont nécessairement réalisées en grand angle, afin de visualiser l’ensemble du vitrage sur ma photographie. Cela peut être périlleux et déformer les lignes géométriques essentielles à la composition photographique. Il fallait donc m’assurer d’être parfaitement droit horizontalement et verticalement. Si un grand angle de 24 millimètres est souvent utilisé en photo d’intérieur, j’ai ici privilégié les possibilités offertes par un 14 millimètres, plus large encore, et nécessitant une précision extrême.
Les grandes étapes de cette journée de photographe d’intérieur
Avant même de me rendre sur place, il m’a fallu surveiller la météo afin de choisir un jour idéal pour réaliser ces prises de vue. De plus, j’ai étudié (grâce à une application dédiée), la position du soleil, afin de connaître les moments où je pourrais obtenir les effets escomptés.
Une fois dans les locaux, la première étape fut de chercher où me positionner, quel angle privilégier, que montrer. Pour faire des vitres le sujet de mes photos, il fallait que je sois suffisamment reculé, et que j’adopte un angle de côté, leur permettant de prendre beaucoup d’espace sur la photo, de sembler plus proche. J’ai aussi eu une vraie réflexion sur les reflets et leur contribution à cette mise en valeur.
Une fois mon positionnement choisi, j’ai ajusté quelques éléments de la pièce afin d’obtenir un rendu visuel esthétique et de toujours valoriser les vitres plutôt que les objets en premier plan.
Ensuite vinrent les réglages et la mise au point, étape cruciale et déterminante pour la réussite de mon travail, avant de pouvoir effectivement prendre les clichés dans le temps imparti et avec la luminosité souhaitée.
Focus sur la photo d’architecture
La technique au centre
En photographie d’architecture, on ne réalise en général qu’un petit nombre d’images, mais elles doivent être parfaites en tout point. Je m’explique. Dans la photographie de reportage, le photographe livre à son client de nombreuses photographies, empreintes des multiples émotions et actions venues ponctuer sa mission. Ici, il est au contraire face à un ensemble immobile et matériel, donc inexpressif. C’est son travail de composition et sa technique très poussée qui sont au cœur de la réussite des photographies.
Des angles à la luminosité, les choix sont déterminants. Clairement, en photographie d’architecture, il existe une meilleure façon de faire, et il faut que le photographe la découvre. Contrairement à un domaine plus libre laissant place à plus d’interprétation et d’inspiration, offrant mille opportunités, le scope des possibilités est plus restreint, et plus exigent. La lumière est très importante, et il est impossible de bouger le sujet photographié. C’est pourquoi il faut une préparation en amont de la luminosité souhaité, ou, à défaut, une grande patience pour obtenir l’effet recherché.
Pour mettre en valeur les éléments choisis dans la photographie d’intérieur, il y a cette idée de faire en sorte que l’œil s’y promène comme dans un espace en 3D. La lumière joue à nouveau un rôle, par exemple en ayant un premier plan plus sombre pour attirer le regard au fond de l’image, donnant une vraie impression de profondeur. Avant tout autre chose, les lignes sont bien sûr essentielles, et les choix de composition de l’image permettront que l’on puisse la « visiter » véritablement. Pour aller plus loin, les réflexions sur les points de force, propres à tout type de photographie, ont tout à fait leur place ici. Les très bonnes photographies d’architecture respectent souvent les principes qui y sont liés, apportant un équilibre à l’image, et un véritable aboutissement esthétique.
Ce que j’aime dans ces prestations de photographie d’architecture
J’aime beaucoup travailler en photographie d’architecture intérieure et extérieure. J’aime cette nécessité mais aussi cette possibilité de prendre son temps, de s’appliquer et de chercher une vraie perfection. J’aime ne rendre que très peu d’images, mais qu’elles soient abouties. Ce travail de vérification des lignes et des intersections, des effets rendus par les ombres et chaque petit détail de couleur, relief, lumière… C’est simplement fascinant ! Lors de ces missions, je me sens véritablement artisan de la conception de l’image.